
Comment mieux intégrer les pêcheurs artisanaux dans les enjeux de gouvernance et de conservation du milieu marin à La Réunion?
Des régulations inadaptées à la réalité des pêches artisanales
La pêche artisanale fait face à un empilement de régulations (ZEE, AMP, politiques publiques, traités internationaux) souvent peu lisibles et parfois contradictoires. Ces dispositifs, rarement co-construits avec les premiers concernés, désapproprient les pêcheurs de leur territoire et de leurs savoirs.
La résistance qui en découle est d’autant plus forte que la pêche artisanale n’est pas un bloc homogène : elle regroupe des pratiques diverses, aux impacts écologiques et aux logiques économiques très contrastées. Ce manque de reconnaissance des réalités locales engendre aussi des tensions internes entre pêcheurs, nourries par une application inégalitaire des règles.
De plus, les modalités de participation aux dispositifs de gestion sont souvent floues ou mal maîtrisées, ce qui limite l’émergence d’une gouvernance réellement partagée. Il est urgent d’articuler équité sociale, justice environnementale et efficacité des politiques de gestion, en reconnaissant la complexité des socio-écosystèmes de la pêche artisanale.
La thèse de Laura Suarez Barrera : Co-construire des outils pour des politiques de pêche plus équitables et efficaces
Dans le cadre de sa thèse financée par le programme SOUND et inscrite au sein du projet ciblé BRIDGES CO-CONSTRUCTION, Laura Suarez Barrera propose de développer des instruments d’aide à la décision pour formuler des scénarios d’aménagement efficaces et équitables dans la Réserve naturelle marine de La Réunion.
Son travail s’organise en plusieurs étapes :
- Recenser les règles en vigueur et comparer la manière dont les professionnels participent à la gestion des pêches. Elle analyse également les expériences de gestion partagée (ou « co-gestion ») mises en place ailleurs, pour en tirer des enseignements utiles.
- Chercher à mieux comprendre les réalités du terrain : comment s’organisent les pêcheries artisanales dans ce site, quelles sont les connaissances locales sur les milieux marins, quelles sont les difficultés rencontrées, et comment les pêcheurs s’adaptent au quotidien. Elle s’intéresse aux expériences individuelles et collectives liées aux inégalités environnementales et à la gouvernance.
- Échanger avec différents acteurs, et tenter de faire dialoguer les points de vue et les savoirs : ceux issus de l’expérience de terrain comme ceux issus de la recherche scientifique. Elle réalise également un travail de cartographie pour mieux visualiser les acteurs en présence, leurs rôles, leurs relations, et les dynamiques de pouvoir à l’œuvre.
- Ouvrir des espaces d’échange pour réfléchir collectivement à des pistes d’amélioration. Son objectif est de construire, avec les personnes concernées, des recommandations concrètes pour une gouvernance plus juste et plus adaptée aux réalités locales. Elle suivra également l’impact de ces propositions pour voir comment elles peuvent évoluer dans le temps.



©Laura Suarez, 2025

©Laura Suarez, 2025
Portrait

Doctorante en première année en socio-anthropologie au PALOC (MNHN – IRD – Université de La Réunion – Espace-Dev), après un master en anthropologie générale et ethnologie des mondes contemporains à l’université Lyon II, Laura Suarez Barrera s’intéresse aux relations entre humain·es et milieux marins, avec une attention particulière aux approches participatives et à l’interdisciplinarité. Son mémoire de master portait sur les sargasses au Mexique et leurs impacts sociaux et écologiques. À La Réunion, elle retrouve une forte résonance avec ses racines colombiennes : des sociétés insulaires marquées par l’histoire coloniale, une grande richesse culturelle, et une relation sensible, vécue et politique à la mer. C’est dans ce contexte qu’elle explore les effets sociaux des politiques de conservation marine, à travers les savoirs, les pratiques et les trajectoires des pêcheur·euses artisan·ales.
Contact: laura.suarezbarrera@mnhn.fr
Le programme SOUND
Le projet SOUND, porté par l’Alliance Sorbonne Université, finance des doctorats et post-doctorats pluridisciplinaires à fort impact social. À travers son deuxième appel à projets, il soutient douze recherches ancrées dans la société civile, mêlant sciences, partenaires externes et enjeux actuels. L’accent est mis sur les inégalités, la crédibilité de l’information et la transmission des savoirs. SOUND encourage les approches collaboratives, durables et ouvertes, pour éclairer les transformations sociales passées et en cours, et construire des réponses collectives.
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